Guide “Appliquer la systémie à la conception d’un service numérique”

7. En phase d'exploration

Bonnes pratiques en phase d'exploration

• Cartographier le système afin d’identifier tous les acteurs (utilisateurs, parties prenantes, infrastructures, environnements) et leurs relations grâce à une Gigamap (niveau supérieur aux expériences maps)
Comprendre les interactions et analyser comment les éléments du système s’influencent mutuellement, y compris les impacts sociaux, économiques, techniques et environnementaux.
Réaliser des interviews utilisateurs et actants (fournisseurs…etc) pour une compréhension globale du système dans lequel s’inscrit le service numérique
• Faire une analyse d'articles scientifiques pour alimenter la compréhension du système au global et les enjeux associés – ne pas se focaliser que sur la compréhension utilisateur
• Rédiger un état des lieux du contexte du projet, en intégrant les besoins utilisateurs et les enjeux sociétaux en corrélation (social, environnemental, économique).

Outils de la phase d'exploration

Cette rubrique a une vocation évolutive et sera alimentée au long court par les travaux des membres ou réseau de Designers Éthiques.

Gigamaps

Les Gigamaps sont des représentations graphiques conçues pour illustrer de manière détaillée des systèmes complexes. Elles permettent d’assembler une grande diversité d’éléments — acteurs, processus, relations et boucles de rétroaction — dans un ensemble visuel cohérent. Le formalisme des gigamaps est complètement libre. Cet outil peut-être perçu comme une évolution des expériences maps actuelles ayant un focus sur l’utilisateur.

Diagramme boucle causale

Les diagrammes de boucles causales permettent de représenter les relations de cause à effet dans un système.. Ils permettent de comprendre comment ces éléments interagissent et s’influencent mutuellement au fil du temps, en mettant en évidence les boucles de rétroaction (positives ou négatives) qui influencent le comportement global du système.

Interviews utilisateurs et actants

Les interviews utilisateurs et actants sont une méthode de recherche qualitative visant à recueillir des informations approfondies auprès des personnes directement ou indirectement impliquées dans un système, un service ou un produit. Les utilisateurs sont les individus qui interagissent concrètement avec l’objet d’étude, tandis que les actants incluent l’ensemble des parties prenantes humaines et non humaines (par exemple, les outils, les organisations, les environnements techniques) influençant ou étant influencées par celui-ci. Ces entretiens permettent de comprendre les besoins, les motivations, les contraintes et les interactions des différents acteurs afin d’orienter la conception, l’amélioration ou l’évaluation d’un dispositif de manière centrée sur l’humain et son écosystème.

Analyse stratégique et sociétale

L’analyse stratégique et sociétale, dans une perspective design, est une étape de compréhension et de cadrage qui vise à situer un projet de conception au sein de son écosystème global. Elle consiste à examiner à la fois les enjeux stratégiques (objectifs, positionnement, acteurs, ressources, contraintes) et les dynamiques sociétales (valeurs, usages, tendances, impacts sociaux et environnementaux) afin d’orienter la démarche de design de manière consciente et responsable. Cette analyse permet au designer d’identifier les leviers d’innovation pertinents, de questionner la pertinence et les conséquences du projet, et de concevoir des solutions qui s’inscrivent dans un équilibre entre valeur d’usage, valeur stratégique et valeur sociétale.

[Focus] Cartographier le système du service numérique et son secteur

La gigmap : mapping d’un système et ses composantes

Une gigamap est une visualisation large d’un système ou d’un problème, utilisée en design, en systèmes complexes ou en stratégie, pour montrer les composantes et relations entre les acteurs, les processus d’influence — pour identifier les problématiques et opportunités.

Elle combine souvent :
• Acteurs / parties prenantes
• Processus / activités
• Relations / flux
• Problèmes / opportunités
• Données / métriques

Concrètement, une gigamap est :
• Une cartographie visuelle : elle combine schémas, diagrammes, textes, images pour représenter un système.
• Un outil d’exploration : elle ne vise pas seulement la clarté, mais aussi à stimuler la réflexion, révéler des connexions inattendues et susciter de nouvelles questions.
• Multi-niveaux : elle peut inclure différents niveaux de granularité (des détails précis et une vue d’ensemble).
• Collaborative : souvent co-créée par une équipe multidisciplinaire pour partager des visions différentes du même problème.


Exemple d’usages :
• Comprendre un problème complexe (santé publique, transition énergétique, urbanisme).
• Visualiser les parties prenantes, flux, dépendances.
• Soutenir des ateliers de co-conception et innovation.

Pour conclure : une gigamap n’est pas juste un diagramme de processus, c’est une grande carte systémique qui capture la complexité d’un problème et sert de support de pensée.

Exemple d’une gigamap appliquée à une application de mobilité

Contexte : Concevoir/améliorer une application de mobilité urbaine
L’objectif est d’aider les habitants à se déplacer facilement dans une grande ville, en intégrant les transports publics, vélo, covoiturage et marche. La gigamap représenterait :

1. Parties prenantes (cercles)
Utilisateurs : voyageurs réguliers, touristes, personnes à mobilité réduite
Fournisseurs de mobilité : bus, métro, tram, taxis, vélos, scooters électriques
Autorités publiques : mairie, opérateurs de transport, police
Partenaires privés : stations-service, parkings, plateformes de covoiturage

 2. Processus clés (rectangles)
Planification de trajet : recherche d’itinéraires optimisés
Achat & validation de titres : tickets, abonnements
Gestion en temps réel : infos trafic, perturbations, disponibilité des vélos
Services complémentaires : suggestions écologiques, calcul des coûts, accessibilité

3. Relations et flux (flèches)
Les données des opérateurs de transport → envoyées à l’application
Les retours des utilisateurs (avis, signalements) → intégrés pour améliorer le service
Les flux financiers (paiements, abonnements) → vers les opérateurs
Les données personnelles (géolocalisation, préférences) → utilisées pour personnaliser l’expérience

4. Couches de contexte
Économie : prix des transports, subventions publiques
Environnement : empreinte carbone, congestion du trafic
Technologie : intégration GPS, IA pour optimiser les trajets
Culture & société : habitudes de mobilité (voiture individuelle vs transports partagés)

L’intérêt de la gigamap ici est :
• Visualiser les interdépendances : par ex. un retard de bus impacte le métro, puis l’expérience utilisateur dans l’app.
• Identifier des opportunités : ajouter un service de covoiturage ou de micro-mobilité (trottinettes).
• Aider à la décision : la ville voit quels leviers activer (nouvelles pistes cyclables, meilleurs accords avec des opérateurs).

La gigamap montre que l’application de mobilité n’est pas qu’un outil numérique, mais un nœud central d’un écosystème complexe (transport, données, infrastructures, usagers).

Aller plus loin : études de cas à consulter