Guide “Appliquer la systémie à la conception d’un service numérique”

4. Prendre en compte les impacts directs et indirects du numérique

1. Le numérique, un système qui n’est pas immatériel

Contrairement à ce que le terme de dématérialisation pourrait laisser penser, le numérique repose sur une forte matérialité. On découpe généralement le numérique en 3 tiers : les utilisateurs, les centres informatiques, et les réseaux. Ce système est constitué d’ordinateurs, écrans, smartphones, de millions de kilomètres de câbles en cuivre et fibre optique, de milliers de centres de données , de milliards de chargeurs de téléphones, etc.

 L’impact du numérique concerne plusieurs étapes du cycle de vie classées par ordre croissant d’importance selon greenIT* :

1. Fabrication des équipements utilisateurs ;
2. Consommation électrique des équipements utilisateurs ;
3. Consommation électrique du réseau ;
4. Consommation électrique des centres informatiques ;
5. Fabrication des équipements réseau ;
6. Fabrication des équipements hébergés par les centres informatiques (serveurs, etc.).

2. Les impacts environnementaux, sociaux, économiques et politiques du numérique

Les impacts du numérique concernent les dimensions environnementale, sociale, économique et politique et comportementales de nos sociétés.

Les impacts environnementaux du numérique

Le numérique exerce des impacts environnementaux majeurs tout au long de son cycle de vie. L’extraction des minerais nécessaires à la fabrication des équipements engendre pollution et épuisement des ressources, tandis que la production des terminaux et infrastructures reste très énergivore et consommatrice d’eau. La consommation d’électricité liée aux centres de données, réseaux et usages intensifs (streaming, IA, cryptomonnaies) contribue déjà fortement aux émissions mondiales de gaz à effet de serre. En France, l’étude ADEME-ARCEP de 2020 estimait que le numérique représentait 2,5 % de l’empreinte carbone nationale, mais la mise à jour de 2024 situe ce chiffre à 4,4 %, en partie du fait de la prise en compte des data centers à l’étranger. Cette hausse s'explique principalement par un biais méthodologique : la prise en compte des impacts des data centers à l'étranger, utilisés pour des usages en France par l'augmentation de leur nombre et de leur puissance. Cette hausse va très probablement se poursuivre - en particulier du fait de l'IA générative. Le Sénat prévoit une hausse de 60 % d’ici 2040 de l’empreinte GES du numérique, soit 6,7 % de l’empreinte nationale, si aucune mesure n’est prise. Enfin, la gestion des déchets électroniques reste un défi, avec des volumes en forte augmentation et un recyclage encore insuffisant. Même les gains d’efficacité du numérique sont souvent annulés par des effets rebonds (dématérialisation, télétravail, e-commerce), accentuant la pression globale sur les ressources naturelles et l’énergie.

Aujourd'hui, l’empreinte environnementale du numérique peut être évaluée à travers quatre grands indicateurs (selon GreenIT et Guide Ecoconception Numérique):

1.     Épuisement des ressources abiotiques (ADP) : usage intensif de minerais et ressources non renouvelables.
2.     Réchauffement global (GWP) : émissions de gaz à effet de serre responsables du dérèglement climatique.
3.     Énergie primaire (EP) : forte consommation d’énergie tout au long du cycle de vie des équipements (extraction, fabrication, usage).
4.     Consommation d’eau douce : utilisation d’« eau bleue » qui accentue le stress hydrique et réduit sa disponibilité pour d’autres usages vitaux.

Ces indicateurs offrent une vision partielle, mais essentielle, de l’impact environnemental du numérique.

Example

Les impacts environnementaux des centres de données

Les centres de données (data centers), indispensables au stockage des ressources en ligne, ou encore à l’IA générative, sont aujourd’hui l’un des symboles forts de l’impact environnemental du numérique. Ils consomment d’énormes quantités d’électricité pour alimenter les serveurs et surtout pour les refroidir. À titre d’illustration, un grand data center peut utiliser autant d’électricité qu’une ville de plusieurs dizaines de milliers d’habitants. Dans certains contextes nationaux, ces chiffres sont encore plus significatifs : en Irlande, les centres de données ont déjà absorbé environ 17 % de la consommation électrique nationale en 2021, et cette part pourrait grimper à 32 % d’ici 2026. De plus, pour le refroidissement, certains sites puisent massivement dans les ressources locales en eau douce, ce qui accentue le stress hydrique dans des régions déjà vulnérables.

Les impacts sociaux du numérique

Le numérique transforme profondément nos sociétés en générant à la fois des opportunités et des risques sur le plan social. D’un côté, il favorise un accès élargi à l’information, à la connaissance et à la formation grâce à des outils comme Wikipédia, les MOOCs ou les plateformes éducatives. Il facilite la création de liens à distance, soutient les communautés en ligne, encourage l’entraide, et permet une plus grande inclusion en rendant certains services (bancaires, administratifs, médicaux) accessibles dans des zones isolées. Il agit également comme levier de mobilisation citoyenne à travers les réseaux sociaux, utilisés pour sensibiliser, protester ou revendiquer, comme l’a illustré le mouvement #MeToo. En revanche, cette transformation numérique s’accompagne d’effets délétères : surexposition aux écrans, troubles psychiques, isolement au profit d’interfaces et d’algorithmes. Les inégalités d’accès persistent sur certains territoires, en fonction des âges ou des niveaux d’éducation. Le numérique est également un vecteur de désinformation et de polarisation sociale, en enfermant les utilisateurs dans des bulles de filtres et en amplifiant la radicalisation en ligne.

Example

Les impacts sociaux du numérique liés à l'extraction

L’extraction des ressources nécessaires à la fabrication des équipements numériques (lithium, cobalt, terres rares, etc.) engendre de lourdes conséquences sociales. Dans plusieurs régions du monde, notamment en Afrique, cette activité est marquée par des conditions de travail précaires, l’exploitation de travailleurs – parfois mineurs –, des atteintes aux droits humains et des conflits locaux liés à l’accaparement des terres. Les communautés locales subissent aussi des déplacements forcés, des pollutions durables et une détérioration de leurs conditions de vie.Ces impacts soulignent les inégalités profondes entre les pays extracteurs et les pays consommateurs de technologie.

La matérialité du numérique n’est pas identifiée, l’essentiel n’est pas visible, nous sommes dans un univers éthérée, notamment concernant la réalité minière.

Enquête terrain et interviews experts, Bela Loto

Les impacts économiques du numérique

Le numérique génère de la valeur en créant de nouveaux marchés (e-commerce, cloud…), en générant des emplois dans les technologies et les services. D’un côté, il optimise les processus, automatise les tâches et réduit certains coûts de production. De l’autre, il accentue les inégalités économiques en favorisant la concentration des richesses entre les mains de quelques grandes plateformes (GAFAM et NATU, BATX ), fragilise certains secteurs traditionnels et alimente la précarisation du travail (ubérisation, micro-travail, dépendance aux plateformes).

Example

Les impacts économiques de l’ubérisation

L’essor d’Uber illustre bien l’impact économique du numérique sur le secteur des transports. En proposant une plateforme de mise en relation directe entre passagers et chauffeurs via une application mobile, Uber a bouleversé les modèles traditionnels de mobilité. Cette transformation numérique a permis de créer des opportunités économiques, notamment en facilitant l’accès à une activité rémunératrice pour de nombreuses personnes, tout en proposant des services moins coûteux et plus flexibles pour les usagers. Toutefois, cette flexibilité s’accompagne d’une précarisation du travail : les chauffeurs, souvent auto-entrepreneurs, ne bénéficient pas des protections sociales classiques (congés payés, couverture santé, assurance chômage). Par ailleurs, cette forme de « désintermédiation » a fragilisé les taxis réglementés soumis à des contraintes administratives et financières plus strictes, créant des tensions sociales et économiques dans de nombreuses villes. En concentrant la valeur créée au sein de la plateforme et non chez les travailleurs, Uber incarne ainsi les dynamiques ambivalentes de l’économie numérique : entre “innovation”, précarisation et redistribution inégale des bénéfices.

Les impacts politiques/géopolitiques du numérique

Le numérique offre des outils puissants de participation et de mobilisation citoyenne, en permettant un accès élargi à l’information et renforçant la capacité d’agir des citoyens. Cependant, il est aussi un vecteur de surveillance étatique et privée, de manipulation de l’opinion (désinformation, bots, deepfakes), et de déstabilisation des institutions démocratiques. Le pouvoir algorithmique remet en question les formes classiques de gouvernance et soulève d’importants enjeux de régulation.

Example

Les impacts politiques des réseaux sociaux

Le numérique a profondément transformé les dynamiques politiques, notamment à travers l’usage massif des réseaux sociaux dans la formation et l’orientation de l’opinion publique. Si ces plateformes permettent un accès élargi à l’information et favorisent la participation citoyenne, elles sont également devenues des outils puissants de manipulation. L’exemple marquant de l’affaire Cambridge Analytica, révélée en 2018, montre comment les données personnelles de millions d’utilisateurs de Facebook ont été utilisées à leur insu pour cibler des messages politiques personnalisés lors de campagnes électorales, comme celle du Brexit ou des élections présidentielles américaines de 2016. Ces pratiques s’appuient sur des algorithmes de profilage sophistiqués capables d’exploiter les biais cognitifs des individus, amplifiant les divisions, les fausses informations (fake news) et les discours polarisants. Ainsi, loin de garantir un débat démocratique éclairé, le numérique peut devenir un levier de manipulation de masse, remettant en question la transparence des processus électoraux et la confiance dans les institutions démocratiques.

Les impacts que nous venons de citer, sont nommés par les termes effets directs, indirects et rebond.
Ils peuvent entraîner des transformations systémiques sociétales et économiques, politiques de grandes échelles.

3. Les effets directs, indirects et rebond

Les impacts d'un produit ou d'un service numérique sont généralement décrits comme résultant de trois types d'effets :

-  les effets directs d’un service numérique, correspondent aux impacts directs liés à l’ensemble du cycle de vie des équipements et infrastructures numériques, depuis l’extraction des matières premières jusqu’à leur fabrication, distribution, utilisation et élimination. Cela inclut également les impacts des activités de soutien indispensables au développement, à la mise en place et à la maintenance continue du service.

-  les effets indirects d’un service numérique, désignent les conséquences liées aux évolutions des comportements et des usages que provoque le service numérique. Ces changements, qu’ils soient économiques, culturels, techniques ou sociaux, résultent des interactions entre le service et les systèmes sociotechniques environnants. Ils peuvent entraîner soit une amplification, soit une diminution des impacts.

-  les effets rebonds, sont un type particulier d’effets indirects. Ils se produisent lorsque l’efficacité d’une activité incite les utilisateurs à accroître la consommation de cette même activité (comme l’exemple de la plateforme Airbnb) générant des impacts supplémentaires.

Etude de cas : un exemple d’effets directs, indirects et rebonds liés au service numérique Airbnb.

Les effets directs : ce sont les impacts liés au cycle de vie des infrastructures et équipements nécessaires au fonctionnement de la plateforme Airbnb.

 Effets directs environnementaux : liés à l’usage du numérique et à l’infrastructure technique.
→Consommation d’énergie des serveurs, data centers, réseaux de communication, terminaux (smartphones, ordinateurs).
→Émissions de gaz à effet de serre (GES) dues à l'hébergement des plateformes, aux requêtes en ligne, au traitement des données.
→Consommation de ressources naturelles pour fabriquer les équipements numériques utilisés par les hôtes, les voyageurs et l’entreprise elle-même.

Effets directs sociaux : provoqués par la mise en relation directe entre particuliers et la transformation des usages.
→Réduction de l’intermédiation classique (agences, hôtels), modifiant les circuits de réservation traditionnels.
→Changement dans les relations de confiance : les voyageurs se fient à des évaluations numériques, ce qui modifie les normes de confiance interpersonnelle.
→Création d’un système parallèle de logement, avec des règles différentes de celles du secteur hôtelier.

Effets directs économiques : concernent les flux monétaires et les modèles économiques liés à Airbnb.
→Revenus générés pour les hôtes particuliers (complément de revenu) et pour Airbnb (via commissions).
→Déplacement économique : Airbnb capte une part de marché des hôtels classiques, changeant les équilibres économiques dans le secteur touristique.
→Création d’un nouveau marché de micro-entrepreneurs du logement temporaire.

 Les effets indirects et effets rebond du service numérique Airbnb dépassent son fonctionnement technique. Ils concernent les changements systémiques qu'il induit dans la société, l'économie, l’environnement, souvent de manière non intentionnelle.

Effets indirects d’Airbnb : ce sont les conséquences des changements de comportements provoqués par l’usage de la plateforme Airbnb.

Effets indirects environnementaux :
→Augmentation des flux touristiques vers des zones auparavant peu fréquentées → pression accrue sur les écosystèmes locaux (pollution, déchets, consommation d’eau).

Effets indirects sociaux:
→Effets sur le tissu social urbain : remplacement des résidents permanents par des touristes, perte de lien social, "désancrage" des quartiers.
→Gentrification : des quartiers populaires deviennent attractifs pour l'investissement locatif touristique.
→Évolution des normes de voyage : plus grande normalisation de l’hébergement informel

Effets indirects économiques :
→Hausse des prix de l’immobilier et des loyers dans les zones à forte activité Airbnb → exclusion des habitants aux revenus modestes.
→Perte de revenus fiscaux pour les collectivités si les locations ne sont pas déclarées comme activités commerciales.
→Déstabilisation du secteur hôtelier traditionnel : réduction de l'emploi stable, pression sur les prix.

Effets rebond d’Airbnb : ce sont les réactions où l’amélioration perçue ou la facilité d’accès au logement incite à consommer plus.

Les effets rebond sont des comportements induits par une amélioration apparente (efficacité, accessibilité), qui mènent à une surconsommation ou à des impacts aggravés.

Effets rebonds environnementaux:
→Voyager plus souvent parce que c’est moins cher → augmentation des vols low-cost, donc hausse des émissions carbone globales.
→Amélioration de l’accessibilité aux logements touristiques → incite à multiplier les séjours courts, accélérant la pression sur les ressources.

Effets rebonds sociaux
→Démocratisation du voyage rendue possible par Airbnb → semble équitable, mais aggrave la saturation urbaine, les tensions sociales dans les quartiers, voire le sentiment d’invasion des habitants.
→Déplacement des modes de vie : certains utilisateurs deviennent "nomades digitaux" ou "multi-résidents".

Effets rebonds économiques
→Incitation à investir dans des biens immobiliers pour les louer sur Airbnb → multiplication des achats spéculatifs → raréfaction du logement pour les habitants.
→Croissance de micro-entrepreneurs du tourisme → peut renforcer les inégalités si seuls certains peuvent capitaliser sur cette économie.

4. A l’origine, l’analyse du cycle de vie

Aujourd’hui, les impacts d’un service numérique sont notamment identifiés au travers des ACV (Analyse du cycle de vie. Les ACV se concentrent avant tout sur les impacts environnementaux.

L'ACV est une méthode d'évaluation des impacts environnementaux d'un produit, d'un processus ou d'un service tout au long de son cycle de vie. Cela comprend toutes les étapes, de l'extraction des matières premières et de la production à l'élimination ou au recyclage, en passant par ses phases d'usage, d'entretien et de transport (Wikipédia).

L'ACV permet ainsi :
- de quantifier les impacts environnementaux d'un système (par étape de cycle de vie ou par sous-système : composants, matériaux utilisés, procédés) afin d'en dégager des pistes d'écoconception ou d'amélioration du bilan environnemental du système ;

- de comparer du point de vue environnemental deux systèmes ayant la même fonction, à quantité de service rendu égale (voir la notion d'unité fonctionnelle ).


Il existe deux approches de l’ACV :

- l'ACV attributionnelle fournit un compte rendu détaillé des incidences environnementales actuelles d'un produit

- l'ACV conséquentielle évalue les incidences environnementales potentielles des changements au sein du système, y compris les effets indirects et plus larges.

L’analyse du cycle de vie attributionnelle

L'ACV attributionnelle se concentre sur les impacts environnementaux directement associés à un produit ou à un système tout au long de son cycle de vie, de l'extraction des matières premières à l'élimination. La question à laquelle nous pouvons répondre est : “Quelle est la part des impacts environnementaux attribuable à mon service ?” *(Hubblo).

Cette approche utilise généralement des données moyennes pour attribuer les charges environnementales proportionnellement au produit étudié, en analysant chaque processus impliqué dans le cycle de vie. Elle donne un aperçu des impacts environnementaux d'un produit tel qu'il existe dans un système spécifique, en se concentrant sur ce qui peut être attribué au produit dans sa chaîne d'approvisionnement existante.

Cependant, cette approche ne permet pas d’identifier les mécanismes physiques et socio-économiques induits par la mise en œuvre de l’unité fonctionnelle, puisqu’elle nécessite en particulier de raisonner dans un système figé.

Exemple
Par exemple, une ACV attributionnelle d'un smartphone calculerait les émissions et l'utilisation des ressources liées à la production et au recyclage du smartphone, sur la base des données moyennes de l'industrie. L'objectif est de quantifier les impacts environnementaux directement attribuables au produit.

L’analyse du cycle de vie conséquentielle

L'ACV conséquentielle prend en compte les changements systémiques plus larges qui peuvent résulter de décisions ou d'interventions (appelés effets indirects), en regardant au-delà de la chaîne d'approvisionnement immédiate du produit.

Au lieu de se concentrer sur les données moyennes, l'ACV conséquentielle examine les données marginales et la manière dont les changements peuvent influencer les résultats environnementaux globaux dans un système plus large, y compris les effets indirects tels que les changements de marché ou les changements de production dans d'autres régions. La question à laquelle nous pouvons répondre est  : Quels sont les impacts environnementaux induits par la mise en place de mon service ? * (Hubblo)

Exemple
Par exemple, une ACV conséquentielle d'un smartphone calculerait les émissions et l'utilisation des ressources liées à l’usage du smartphone. L'objectif est de quantifier les impacts environnementaux attribuables à l’utilisation du produit.

Il existe également, l’analyse sociale du cycle de vie (AsCV) est un outil permettant d’identifier les effets sociaux et socio-économiques potentiels sur différentes parties prenantes (par exemple : travailleurs, communautés locales, consommateurs) tout au long de la chaîne de valeur des produits et services.

L’AsCV est encadrée et reconnue au niveau international par les « Lignes directrices pour l’analyse sociale du cycle de vie des produits », publiées en 2009 au Québec. L'outil s’appuie sur les lignes directrices ISO 26000:2010 pour la responsabilité sociale et les lignes directrices du Global Reporting Initiative

«L’ACV attributionnelle est l’outil le plus connu dans l’industrie. L’ACV conséquentielle, c’est plutôt une approche de recherche, moins utilisée, qui se rapproche de la systémie qui nous permet d’aller plus loin dans l’analyse des effets indirects. »

Enquête terrain et interviews experts, Etienne Perasso

La systémie complémentaire aux outils d’ACV

La conception systémique permet une approche plus vaste que l’impact utilisateur notamment en s’attachant à étudier l’impact sur les systèmes (environnementaux, sociaux , économiques). En ce sens, la systémie apparaît comme complémentaire aux outils d’ACV :

●  La systémie se rapproche d’une approche conséquentielles (ACV conséquentielle) au travers de la cartographie de l’impact au niveau sociétal et de projection d’impact au long terme, elle peut prendre place à cet endroit dans les processus de conception.

●  La systémie est complémentaire à des approches quantitatives comme l’analyse de cycle de vie (utilisée dans le cadre des bilans carbones).

●  Les outils de la systémie, combinent des outils existants du design, tels que l’étude terrain/utilisateurs, prospective, system mapping... permettant une réflexion tout au long du processus de conception, permettant de compléter l’aspect “mesure” d’une ACV et la prise en compte des impacts au global (environnemental, social, économique), pas uniquement environnemental comme l’ACV.

L’objectif est de doter les concepteurs de méthodologies et outils pratiques, à la fois analytiques et quantitatifs qui permettent d’appréhender et mesurer l'impact direct et indirect d’un service numérique.

5. De l'écoconception à la systémie : prendre en compte les impacts directs puis indirects

L’écoconception permet aujourd’hui de prendre en compte les impacts directs d’un service numérique notamment dans la conception de parcours par de la mesure, conception et optimisation. Cette pratique la pratique s’est diffusée et permet de démocratiser ses enjeux au sein des organisations.

L'écoconception se découpe en 4 niveaux :

• Niveau 1: Amelioration progressive
Amélioration environnementale progressive de produits existants, en travaillant sur un ou plusieurs composants, sans modification majeure de technologie employée. Il peut s’agir d’optimiser le processus de conception du produit. 

• Niveau 2 : La reconception du produit
Approfondissement et temps de développement plus important que le niveau 1 pour reconcevoir le produit. Le concept du produit reste le même, il s’agit de repenser l’architecture du produit, en développant ou remplaçant certaines parties par de nouvelles. 

• Niveau 3 : L'innovation fonctionnelle
Création d’un nouveau concept de produit ou d’une nouvelle technologie, en changeant la façon dont la fonction du produit est remplie. Il s’agit d’une innovation de rupture. 

• Niveau 4 : Innovation du système produits/services
Proposition de nouvelles organisations ou de nouveaux systèmes produits/services. Ce niveau peut nécessiter des modifications sur la chaîne de valeur, des infrastructures voire un changement culturel. Le modèle économique peut être modifié en passant, par exemple, de la vente du produit à la vente d’une fonction sous forme de service.

La systémie permet d’adresser le niveau 4, afin de prendre en compte les impacts directs et indirects et repenser nos systèmes numériques.

Cette prise en compte s’inscrit notamment dans les démarches de numérique responsable menées par les entreprises, les plans CSRD ou encore les missions d’entreprises engagées qui mesurent l’impact social et environnemental de leurs actions.

La systémie nous permet ainsi d’aller plus loin dans la prise en compte de l’impact environnemental et social en s’attachant à comprendre les effets et parties prenantes d’un système : utilisateurs, fournisseurs, infrastructures…etc. Cette analyse systémique est aujourd’hui expérimentée notamment à un premier niveau à l’échelle du RGESN qui permet au travers de ces thématiques d’aborder les enjeux transverses à un service numérique (exemple : les engagements des fournisseurs et tiers du service numérique).

Bibliographie et sources