Guide “Appliquer la systémie à la conception d’un service numérique”

Aller plus loin dans la démarche

1. Posture et éthique du design, la responsabilité d’agir pour des causes environnementales et sociales

Nous sommes aujourd’hui à un tournant, alors que les défis sociaux et environnementaux se combinent, où notre capacité à exister dans les limites planétaires dépend de profonds changements dans nos modes d'organisation et consommation.

Notre adaptation dépend de notre capacité collective à façonner et à remodeler les systèmes qui nous régissent – ​​systèmes de richesse, de propriété, de possession, de consommation, de bien-être, par exemple – à un niveau plus profond. Il ne s'agit pas d'un défi technique, mais d'un défi créatif.

Le design peut jouer un rôle majeur dans le renforcement des capacités d'innovation systémique dont nous avons besoin pour que la société opère la transition vers des systèmes différents et meilleurs.

Pour ce faire, nous devons faire évoluer nos pratiques actuelles, en concevant non seulement de manière consciente des systèmes, mais aussi de manière à les transformer. Les designers ont un rôle à jouer comme acteur de cette transition, en incarnant leurs rôles de visionnaire et créatif guidés par une éthique professionnelle.

L’éthique - dans le cadre du design - c’est une réflexion fondamentale sur les droits et devoirs que nous avons en tant que praticien. 

C’est notre conscience professionnelle qui repose sur des valeurs morales et des principes qui nous guide pour agir le plus positivement possible envers les usagers et la société. 

Nous avons besoin de renforcer collectivement une "éthique professionnelle" qui se rapporte à des valeurs partagées et communes à notre communauté de professionnels.

Pourquoi et comment associer une réflexion éthique à sa pratique du design ?, Podcast Design+, Mellie La Roque

Aujourd’hui la question de notre engagement et responsabilité en tant que profession est remise sur le devant de la scène dans cette période de grandes transformations sociale, environnementale, économique. 

Il faut se rappeler qu’en tant que groupe professionnel, les designers se trouvent au croisement d’une triple transformation - économique, technique, écologique - majeure pour les sociétés contemporaines et dont les implications éthiques sont considérables.

L'impact de notre profession est majeur, notre métier va bien au-delà de concevoir un produit, services numériques, par nos choix de conception on influence des comportements, des usages, des directions futures pour la société au sens large. 

Nous avons besoin de nous rappeler de cette responsabilité et mettre notre pratique au service du long terme, du bien commun.

2. Le design d’aujourd’hui, les 10 principes

Voici les principes de design auxquels devraient répondre notre pratique à mesure qu'elle évolue pour mieux s'adapter aux enjeux actuels et contribuer aux transformations en cours, pour plus de justice sociale, environnementale et économique. 

Le design/le designer doit …

  • concevoir pour le long terme
  • s’inscrire dans les limites planétaires, en considérant le plafond environnemental et plancher social
  • prendre en compte des normes éthiques
  • concevoir des services soutenables dans une logique de réutilisation et réparation
  • prendre en compte l'impact sur les parties prenantes humaines et non-humaines (écosystèmes naturels)
  • s’inscrire dans une économie de la coopération et de fonctionnalité
  • contribuer au bien commun socioculturel, environnemental, démocratique et économique
  • concevoir pour la collectivité (quartiers, sociétés, systèmes écologiques) plutôt qu'à des individus isolés
  • concevoir des services conçus et fait pour encourager les comportements durables
  • concevoir des produits, des lieux et des services qui rendent facile et désirable de vivre de manière durable

3. Transformation des modèles économiques

Actuellement, le design s'inscrit dans une vision économique traditionnelle du monde, avec des objectifs de croissance à court terme qui ne reconnaissent pas la valeur produite sur le long terme. Cela s’explique par des modèles de financement et de gouvernance qui vont à l’encontre de cette perspective.

Plus précisément, le modèle économique dominant est issu du modèle industriel fondé sur une logique de vente de biens et de services standardisés, associée à une recherche de production en volume : il incite donc les acteurs économiques à utiliser plus de matières, plus d’énergie, pour produire plus de valeur. Cette logique consistant à indexer le volume des biens et des services vendus et le chiffre d’affaires, imprègne fortement nos modes de pensée, nos organisations, et s’avère incompatible avec les enjeux du développement durable. Cette dynamique est largement à l'œuvre dans les entreprises de services.

Nous n’interrogeons pas le système économique dans lequel on vit : c’est un système extractiviste, colonial…etc. On n'a pas interrogé le système pour aller vers la pérennité. La question que l'on pourrait se poser : c’est quoi un système qui peut arriver à être stable ?

Enquête terrain et interview expert, Bela Loto

Le modèle économique actuel nous amène dans une impasse, à la fois environnementale, sociale et politique : changement climatique, finitude des ressources, inégalités sociales..etc. Dans ce contexte, nous voyons émerger des nouveaux modèles tels que l’économie circulaire, l’économie collaborative, l’économie de la fonctionnalité et de la coopération qui tentent d’apporter des réponses aux limites du modèle actuel.

L’économie de la fonctionnalité et de la coopération (EFC) propose un nouveau modèle économique visant à réduire la consommation matérielle de biens et de ressources. Pour atteindre cet objectif, le concept de l’EFC repose sur la mise à disposition d’un usage plutôt que la possession d’un bien. Autrement dit, il ne s’agit plus d’acheter un bien et d’être propriétaire de ce bien, mais de payer un service qui est rendu à l’aide du bien en question. Ce type d’économie apparaît comme plus compatible avec des enjeux de durabilité.

L’économie de la fonctionnalité et de la coopération est un modèle économique tourné vers le service et la coopération et s’appuie sur trois grands principes directeurs :
• Sortir de la logique de volume et agir en prenant en compte les aspects environnementaux et sociaux (sobriété matérielle, qualité de vie, création d’emplois, rallongement de la durée de vie des biens, réemploi, reconditionnement…).
• Développer les services rendus aux usagers et coupler la création de richesse au développement des ressources immatérielles (compétences, santé, connaissances, qualité des relations…)
• Développer la coopération entre les acteurs d’un territoire (citoyens, collectivités, entreprises…) pour générer un impact positif sur leurs modes d’organisation et des dynamiques territoriales qui intègrent les enjeux du développement durable.

Design et économie devront évoluer dans un futur proche pour soutenir le changement de paradigme dans le secteur du numérique et plus globalement de notre société.

Bibliographie et sources